Suis-je un socialiste primaire ?
Ah oui, tiens, un petit billet politique, ça faisait longtemps !!!
Je fais donc partie des cinq millions qui ont regardé le premier débat des primaires. J'aime bien les émissions politiques. Je suis autant gonflé par la langue de bois et les formules politiciennes qu'un autre, mais j'aime bien ce genre d'émission, parce que c'est le seul endroit où on peut entendre vraiment ce que les gens ont à dire, loin des raccourcis biaisés des journalistes et des flash info.
D'ailleurs, je trouve ça bien joué de la part du PS, cette primaire, parce que ça leur offre un théâtre où exposer leurs idées, selon leurs propres règles. J'ai vu Hollande au Club LCI / RTL / Le Monde la semaine dernière, et ça m'a pompé l'air de voir à quel point les journalistes ne décrochaient pas des sujets qui n'intéressent qu'eux, au premier rang desquels l'affaire DSK. Oui, on a tous suivi le feuilleton avec assiduité, mais quand l'un des types les mieux placés (apparemment) pour battre Sarkozy l'année prochaine est interviewé pendant une heure, j'en ai absolument rien à carrer de ce qu'il pense de l'affaire DSK, ou d'autres épiphénomènes du même type. Je veux savoir ce qu'il a à proposer, et ça me troue le cul que ce soit pas le cas des journalistes. Le niveau de la politique en ce début de 21ème siècle n'est pas très reluisant, mais pour moi, la façon dont les journalistes (télé, surtout) couvrent la politique représente bien la moitié du problème.
Bilan du débat, donc : Pour moi, c'est Montebourg qui a été le plus convaincant. Tout d'abord, parce qu'il a insisté sur sa volonté de faire (enfin) payer aux banques et aux spéculateurs la crise dont ils sont responsables, avec une taxe assez misérable sur les transactions financières qui pourtant ramènerait un paquet de pognon. Alors on va me dire, comme souvent, que c'est irréalisable, que si c'est pas fait à l'échelle européenne ça pourra pas marcher... mais j'en ai un peu marre de cette excuse qui est surtout un bon prétexte pour ne rien faire, inventé par ces mêmes banques. J'ai du mal à croire que si ça fait rentrer dans les caisses autant d'argent que Montebourg le pense, les autres pays européens ne suivent pas.
Jusque là, ce qui m'attirait le plus dans le programme du PS, c'est l'histoire de la réforme fiscale, censée s'appuyer sur le livre (que j'ai lu) Pour une Révolution Fiscale, de Thomas Piketty et deux autres économistes... Une réforme qui, si le PS compte effectivement la mettre en pratique telle que décrite dans le livre, est réellement une révolution, et là encore, ça me tue qu'il n'y ait pas un minimum de travail d'explication de la part des journalistes. D'ailleurs, même les candidats, jeudi, n'ont pas pensé à clarifier la chose, du coup je ne sais toujours pas s'ils comptent aller au bout de l'idée.
Pour info, le livre suggère une suppression totale de l'Impot sur le revenu (et donc de toutes les niches fiscales qui vont avec), pour le remplacer par une CSG progressive, un impot à la source, quoi. Le taux partirait de 2% pour les très bas revenus, ce qui reviendrait à une baisse d'impot puisque le taux actuel est de 8%, pour monter, si mes souvenirs sont bons, jusqu'à 40 ou 50 % pour les très hauts revenus. L'avantage, outre la réelle progressivité et donc l'équité du système, étant qu'une fois que tu as ton chèque de fin de mois, tu sais qu'il est disponible et qu'il ne doit plus servir à payer ton tiers prévisionnel. Ca, plus une hausse du pouvoir d'achat pour les bas revenus.
Mais bon, le PS ayant du mal à être clair là-dessus, je n'arrive pas à savoir si c'est bien de ça qu'il s'agit, ou s'ils vont se contenter de rajouter une tranche d'imposition supérieure, ce qui est certes souhaitable mais quand même moins bandant, plus plan-plan comme mesure. C'est pour ça que j'ai apprécié que Montebourg apporte une autre idée qui m'emballe. En plus de ça, je l'ai trouvé plus clair, plus pédagogique, moins politicien, moins "petites formules" que les autres. J'ai juste un peu du mal avec son sourire d'avocat un peu forcé, un peu trop en coin, un peu trop complice. Je ne sais pas toujours s'il me propose un programme politique ou s'il me propose de monter dans sa chambre. Mais voilà, quoi, il parle comme j'aime bien que les politiques parlent, et je l'ai trouvé plus à gauche que les autres.
Et c'est quand même important, ce coup-ci, qu'on pousse la barre à gauche. J'en ai marre que tout ce qu'on fasse, ce soit "pour rassurer les marchés", pour "conserver notre andouillette AAAAA", pour "calmer les investisseurs". Marre que ce soit les banques qui nous dirigent. J'en ai marre aussi de l'excuse "si on taxe plus les riches, ils vont s'en aller". Il me semble qu'on a fait tout un pataquès il y a pas longtemps à propos de l'identité nationale. Eh ben, l'identité nationale, c'est aussi de payer ses impots en France. Ou alors, quand on parle d'identité nationale, on parle que des immigrés ?
J'aurais été le premier à voter DSK, mais je suis bien content qu'il se soit passé ce qu'il s'est passé, en fait. D'abord parce que, viol ou pas viol, c'est pas le genre de mec que je veux avoir comme président, quelqu'un qui a ce genre de comportement avec les femmes. Et puis voilà, la politique du FMI, c'est quand même pas la plus humaniste au monde. On est aux ordres de marchés psychopathes que rien ne satisfait, et je me demande en ce moment ce qui changerait vraiment, pour le pékin moyen (du moins celui qui ne fait pas l'erreur de boursicoter), si le système financier s'écroulait complètement. Je veux bien qu'on essaie pour voir, tiens.
De toute façon, l'exercice du pouvoir tire toujours les gens vers la droite, autant partir avec un candidat vraiment de gauche. Oui, j'ai passé ma période centriste.
Les autres candidats, sinon. Hollande, je l'aime plutôt bien, j'avais apprécié quand il avait dit que quand on gagnait plus de 4000 euros par mois, on était riche (quand même, merde) et j'en avais voulu au PS de ne pas l'avoir soutenu. J'ai regretté qu'il essaie au débat de faire passer cette déclaration à l'as, d'ailleurs. Enfin bon, Hollande, pourquoi pas. Aubry aussi me paraît possible, elle parle clair même si elle a une petite tendance à chercher la formule... mais ça va, on n'est pas au niveau de Royal. Et puis je ne pense pas que dans la tête des gens, les 35 heures aient été une aussi grande tragédie que ce que veut bien croire la droite.
Les trois autres, mouais, bof. Valls a le mérite de dire clairement qu'avec lui, on va en chier, et j'apprécie l'absence de langue de bois... mais je le trouve un peu raide, quand même... même physiquement, très froid, limite CRS. A mon avis, il finira à l'intérieur si la gauche passe. Baily, euh, comment dire... répondre à "comment vous financez ça ?" par "Je suis pas Madame Soleil", je trouve ça un peu léger.
Mais bon, la taule de la soirée, c'est quand même Royal, ce qui me rassure un peu parce que s'il y a une chance pour que Sarkozy repasse, c'est bien elle. Elle ne sait toujours pas finir une phrase, elle est toujours accro à ses formules à la con, elle est super lourde sur sa présidence de région, et maintenant elle y ajoute son côté "regardez ce que j'ai fait sur mon ordi". "Regardez mon beau livre programme que c'est moi qui l'ai fait", "regardez mon contrat que je propose aux français en douze points que j'ai conçu avec Illustrator", "regardez ce beau liseré bleu que j'ai fait le long de mon contrat que je propose aux français en douze points"... Elle se caricature de plus en plus, elle s'éloigne de plus en plus du concret. Alors de temps en temps, il y a une idée intéressante qui sort, mais pitié, non, pas elle comme candidate.
En tout cas, je trouve qu'ils la maitrisent pas mal, leur primaire, et je me demande si je vais pas aller voter, tiens... juste parce que si on fait péter le million de votes, je veux voir la mauvaise foi de la droite qui essaiera de minimiser la chose.
(Image copyright PS power)